Interpellation

Les
enjeux et défis à venir en termes de mobilité ne sont plus à
démontrer : la croissance démographique et des habitudes de
mobilité toujours plus renforcées mettent une pression importante
sur l’entier du réseau routier, ferroviaire et de transports
publics. Ceci avec des effets extrêmement marqués sur
l’environnement et la santé. Aujourd’hui, les transports
représentent 39% de l’entier des émissions CO2
en Suisse1
– une proportion qui est appelée à augmenter ces prochaines
années.

Les
zones urbaines sont particulièrement à risque dans ce cadre.
Bouchons routiers, surcharge des transports publics et autres
externalités négatives (bruit, pollution, accidents) y sont en
effet fréquemment déplorés par les habitantes et habitants. La
pénurie de logements et la hausse des prix de l’immobilier
viennent aggraver encore ces considérations, dans la mesure où les
places de travail sont principalement créées dans les centres,
tandis que la population est amenée à s’établir dans les
agglomérations.

En
2014, les prestations de transport atteignaient en Suisse 127,6
milliards de voyageurs-kilomètres, dont 74 % est à imputer au
trafic individuel motorisé (TIM).
Les prestations de transport sur route et sur rail augmenteront de
près d’un quart entre 2010 et 20302,
et il faut s’attendre à une augmentation de 25 % du transport de
voyageurs et de 37 % du transport de marchandises d’ici à 20403.
Cette croissance concernera en particulier les zones urbaines
densément peuplées et entraînera des problèmes de capacité, une
hausse des coûts ainsi qu’une augmentation des conséquences
négatives externes (bruit, pollution, accidents, mitage du
territoire, pertes économiques)4.
Ceci notamment en heures de pointe, lorsque le réseau est
surutilisé.

Figure
1 Groupe d’experts en données sur le transport (2006)

Figure
2 Rapport 2016

A
la lumière de ces constats, le Conseil fédéral a lancé en 2012 un
vaste plan d’étude sur la tarification de la mobilité, avec le
double objectif d’identifier si (i) la demande en mobilité peut
être influencée par le prix et si (ii) la répartition actuelle des
coûts de la mobilité entre les utilisateurs et le secteur public
est juste et efficace. Ce plan a abouti à un premier rapport
stratégique en juin 2016, dans lequel le Conseil fédéral a
détaillé les voies qu’il entendait suivre à ce sujet5.
En substance, cette stratégie prévoit notamment que, dans les
régions touchées par des surcharges de trafic particulièrement
importantes, ­deux tarifs kilométriques différents devraient
être appliqués : un tarif majoré aux heures de pointe et un tarif
minoré aux heures creuses.

Ce
système a été appliqué théoriquement à la ville et
l’agglomération de Zoug dans le cadre d’une analyse d’efficacité
et liée à la protection des données6,
afin d’homogénéiser la répartition du trafic et de réduire,
voire d’empêcher la surcharge des systèmes de transport7.
Il en ressort que, aux heures de pointe du matin et du soir, le
volume de trafic a pu être réduit de 9 à 12 % pour le TIM et de 5
à 9 % dans les transports publics8.

Dans
l’ensemble, les usagers ne devraient pas payer davantage avec ce
système de tarification de la mobilité, mais différemment. Ainsi,
les impôts et redevances perçus pour le TIM ainsi que les revenus
générés par les recettes provenant de la vente de billets ou
d’abonnements de transport public sont remplacés par une redevance
liée aux prestations9.
Avec ce système et en termes financiers, les ménages très peu
flexibles pourraient avoir un surcoût d’au-maximum 1 % du revenu
brut alors que ceux bénéficiant de grande souplesse au niveau des
horaires pourraient réaliser des économies égales à 1,2 % du
revenu brut10.

Figure
3 Rapport TM 2019, p. 3 et 8.

Ces
tests et expériences ayant été appliqués de façon théorique, il
est maintenant impératif que des projets-pilotes et expériences
réelles soient menés. Ceci a
fortiori
dans la
mesure où les engorgements sur les réseaux de transport sont un
défi majeur pour les cantons et les communes11.
Le Conseil fédéral a donc souligné que, si une région ou une
commune souhaite essayer d’appliquer la tarification de la mobilité
ou certaines de ses composantes dans le cadre de projets pilotes, la
Confédération leur apportera son soutien12.
Des modifications législatives sont en cours d’élaboration pour
permettre, juridiquement, ces projets-pilotes en adoptant les bases
légales nécessaires13.

Ces
études pratiques devraient également permettre de garantir
l’acceptabilité sociale du système qui serait mis en place, afin
d’éviter que les parts de la population les plus défavorisées
n’en ressortent pénalisées14.
Dans la mesure où l’analyse menée n’a pas explicitement pris en
compte la question du transfert modal15,
et de l’utilité de la tarification de la mobilité dans ce cadre,
il est central que les projets-pilotes menés portent aussi sur ce
sujet. Ceci d’autant plus que l’un des trois objectifs du projet
de tarification de la mobilité consiste à réduire l’impact
environnemental du trafic16.

La
tarification de la mobilité doit notamment viser à augmenter
l’attractivité, par le prix, des transports publics par rapport
aux TIM. Elle doit aussi impérativement permettre de lisser les pics
de mobilité avant de construire ou d’agrandir des infrastructures
de transport. Ce faisant, tant les montants des investissements que
les impacts de nouvelles infrastructures sur l’environnement, la
nature et le paysage (morcellement, pertes d’habitat pour la faune,
pertes en termes de surfaces agricoles, etc.) peuvent être diminués,
voire exclus. Dans l’ensemble, il est impératif de repenser la
mobilité afin d’en éviter la croissance sans limite.

Lors
de l’élaboration du projet de rapport stratégique, six cantons
avaient fait part de leur intérêt pour la réalisation d’un
projet pilote dans leur région (GE, TI, ZG, SG, BE et NE)17.
Ni le canton de Vaud, ni la commune de Lausanne, ne s’y était
alors annoncé. Pourtant, la commune de Lausanne et son agglomération
sont particulièrement affectés par la question de la tarification
de la mobilité – ceci d’autant plus considérant les projets
liés au M2 et au nouveau M3 actuellement à l’enquête. Il est
donc impératif que la commune de Lausanne soit dans les premiers
projets-pilotes, afin d’assurer la meilleure mise en œuvre de la
tarification de la mobilité, dans l’intérêt de toutes et tous.

* * *
Questions :

  1. La Municipalité a-t-elle connaissance des différents rapports liés au mobility pricing, y compris le rapport stratégique ainsi que les derniers rapports du mois de décembre 2019 ?
  2. Comment la Municipalité se positionne-t-elle par rapport à ces différents rapports et leurs conclusions ?
  3. La Municipalité a-t-elle fait part au Conseil fédéral de son intérêt pour la participation aux projets pilotes liés à la tarification de la mobilité ?
    1. Si non :
      1. Pourquoi ?
      2. la Municipalité entend-elle faire part de son intérêt prochainement ?
    2. Si oui : quand et pour quel(s) type(s) de projets ?
  4. La Municipalité a-t-elle identifié les avantages et inconvénients liés au mobility pricing appliqués à la Commune de Lausanne ?
    1. Si non :
      1. Pourquoi ?
      2. La Municipalité entend-elle le faire prochainement ?
    2. Si oui :
      1. Quelles mesures ont été examinées ?
      2. Quelles en ont été les conclusions ?
  5. Plus généralement, quel rôle la Municipalité souhaite-t-elle que la Commune de Lausanne joue dans le cadre de la tarification de la mobilité ?
  6. Plus généralement, quelles mesures la Municipalité souhaiterait-elle mettre en œuvre dans la Commune de Lausanne en lien avec le mobility pricing, indépendamment de ce qu’autorise le cadre légal fédéral ?
  7. Des échanges ou discussions existent-ils à ce sujet avec le Canton et/ou à l’échelle de l’agglomération ?

David Raedler
Daniel Dubas
Sara Gnoni
1 Article RTS « Transport, énergie, déchets : le détail des émissions de CO2 en Suisse ».

2
Conseil fédéral, Rapport stratégique sur la tarification de la
mobilité 2016 (le « Rapport 2016 »), p. 7 et 8.

3
DETEC, Tarification de la mobilité, 13 décembre 2019 (le « Rapport
TM 2019
 »), p. 3.

4
Rapport TM 2019, p. 3. Voir notamment p. 31-32 pour les effets sur
l’économie, p. 32-33 pour le développement territorial et p. 34
pour les incidences sur l’environnement.

5
Rapport 2016.

6
Pour les éléments en protection des données, cf. Rapport
TM 2019, p. 42.

7
OFROU, Tarification de la mobilité, Fiche d’information
« Eléments-clés », décembre 2019 (« Eléments-clés
2019
 »), ainsi que Rapport TM 2019, p. 9.

8
Rapport TM 2019, p. 3.

9
Eléments-clés 2019.

10
Rapport TM 2019, p. 4 et 25 ss.

11
Rapport TM 2019, p. 5.

12
Rapport TM 2019, p. 6 et 51.

13
Rapport TM 2019, p. 51.

14
Rapport TM 2019, p. 47 et 48.

15
Rapport TM 2019, p. 44.

16
Rapport TM 2019, p. 49.

17
Rapport relatif à l’évaluation de la possibilité de réaliser des projets pilotes, juin 2017, p. 3.