Hier interdictions de clochers, aujourd’hui interdiction de minarets?
Les initiants qui veulent interdire la construction de minarets en Suisse n’ont rien inventé de nouveau.
En 1536, les Bernois qui occupent le canton de Vaud décrètent l’interdiction complète du culte catholique, sauf dans le district d’Echallens, baillage commun de Berne et Fribourg.
Les catholiques lausannois devront attendre 3 siècles pour bâtir en 1832 leur première église « Notre Dame du Valentin », et encore, sans pouvoir ériger un clocher!
Une loi de 1810 leur avait enfin accordé la possibilité d’ouvrir une salle de culte, mais à condition que l’édifice n’ait pas l’apparence extérieure d’une église. «Le bâtiment où se célébrera le culte n’aura ni cloche, ni clocher, ni aucun signe extérieur de sa destination.»
Une interdiction semblable était aussi en vigueur dans d’autres cantons à majorité protestante.
Les préjugés anticatholiques y étaient vivaces, on leur reprochait, comme aux musulmans aujourd’hui, de dépendre de l’étranger, de ne pas respecter la liberté de conscience et la liberté de la presse, d’avoir trop d’enfants… On critiquait le caractère autoritaire et passéiste d’une religion ne respectant pas la liberté individuelle!
Et certains Cantons catholiques appliquaient les mêmes restrictions aux protestants: on tolérait des lieux de culte pour les confessions minoritaires, mais sans clocher.
Ces discriminations ont précédé et favorisé la guerre de religion du Sonderbund entre Cantons catholiques conservateurs et Cantons protestants plus progressistes.
Même si, la guerre terminée, la Constitution vaudoise de 1861 assure la liberté de culte, ce n’est qu’en1935 que « Notre Dame du Valentin » eut son campanile.
J’espère que l’initiative ‘contre la construction de minarets’, lancée pour des motifs politiciens, n’exacerbe pas les tensions interreligieuses, dépassées depuis longtemps en Suisse.
On ne peut nier qu’il y ait des musulmans fanatiques, qui n’apprécient pas nos institutions et n’ont aucune envie de s’intégrer: ils aimeraient importer chez nous bourka, charria…Mais ils sont une petite minorité et l’interdiction des minarets, loin d’être un signal contre ces extrémistes, risque de contribuer à la marginalisation et à la radicalisation de nombreux jeunes musulmans qui ne comprendraient pas cette inégalité de traitement. C’est en refoulant les gens dans la marginalité qu’on les pousse au fanatisme.
De nombreux pays à majorité musulmane, tels l’Indonésie, acceptent la construction d’églises avec un clocher. Nous n’allons quand-même pas imiter les plus intolérants, qui l’interdisent!
Le ciel suisse est assez vaste pour qu’à côté de milliers de clochers se dressent quelques minarets!
Respectons les principes fondamentaux de notre Constitution. Egalité devant les lois, libertés religieuses: tous les croyants respectueux de nos lois doivent pouvoir pratiquer leur foi.
La paix des religions et une intégration réussie sont dans l’intérêt de tous. Et facteurs de la paix civile.
Quant aux extrémistes, qu’ils soient religieux ou politiques, ce n’est, hélas, pas l’interdiction des minarets qui les empêchera de sévir. Le NON à l’initiative s’impose.