Interpellation

« Chaque
convoi expose quelque 840’000 personnes à un risque d’accident
majeur » avaient clairement indiqué les Conseils d’Etat
genevois et vaudois en 20161.
Pourtant en 2018, ce sont encore 21’000 tonnes de chlore qui ont
traversé la région lausannoise selon un rapport publié le 14
février par la Confédération2.

En mars 2015, le Grand Conseil vaudois avait soutenu (56 pour, 36 contre et 17 abstentions) une résolution de notre collègue verte Susanne Jungclaus Delarze visant à interdire le transport massif de chlore, considérant que les entreprises qui utilisent le chlore en grande quantité doivent le produire sur place3.

En
2016, les principaux acteurs visant à réduire les risques liés au
transport du chlore ont signé une déclaration conjointe (DC II).
Cette déclaration a été signée par la Confédération, les CFF,
l’association des chargeurs et l’industrie chimique, avec pour
objectif de « réduire
le risque d’un facteur dix d’ici à la fin 2018 »4.

Dans
cette déclaration, les objectifs sont toutefois formulés de manière
peu contraignante. La possibilité de produire sur place est étudiée.
C’est donc bien moins ambitieux que ce que demandait la résolution
vaudoise, que ce que prévoyait l’initiative parlementaire déposée
par le Canton de Genève et que les premières déclarations de la
Confédération. Celle-ci avait en effet répondu à une motion de
l’élue verte Anne Mahrer : « Cela
vaut particulièrement pour le transport du chlore, car le Conseil
fédéral voit une urgence à diminuer ce transport autant que
possible »5.

Le
14 février 2019, un rapport intermédiaire a été publié par la
Confédération, il fait le point sur l’avancement de la diminution
des risques et la mise en œuvre des 10 mesures préconisées par la
DC II considérant deux phases de mise en œuvre (2018 et 2025). Ce
rapport considère que les objectifs de réduction des risques pour
la première phase 2016-18 ont été atteints. En particulier, le
chlore en provenance de France est transporté par train spécial à
une vitesse maximale de 40 km/h vers le Valais. La fréquence d’un
trajet par semaine est indiquée. Mais d’autres points sont non
résolus :

  • Une
    utilisation des wagons-citernes les plus sûrs actuellement
    disponible est prévue par la déclaration conjointe. Toutefois, le
    rapport indique qu’« entre 20 et 70 % des wagons utilisés
    pour l’importation satisfont aux nouvelles exigences ». Et
    que « toutes les importations de chlore ne pourront pas être
    effectuées à partir du 1er janvier 2019 avec les wagons-citernes
    actuellement les plus sûrs ».
  • 432
    obstacles sur le réseau ferroviaire pouvant endommager le réservoir
    d’un wagon-citerne et provoquer une fuite ont été identifiés.
    Leur élimination est évaluée dans le rapport à 6,5 millions de
    francs. La Confédération indique que la « proportionnalité
    de cette mesure a été remise en question. C’est pourquoi sa mise
    en œuvre a été temporairement suspendue ». Selon l’article
    du 24heures
    du 16 juin 2019 « La guerre du transport de chlore est
    relancée à Berne », ils ne seront éliminés que petit à
    petit dans le cadre de l’entretien courant des infrastructures
    ferroviaires, plutôt qu’en une seule fois.
  • La
    Confédération constate que l’industrie chimique valaisanne n’a
    par elle-même aucun intérêt à produire localement. Par ailleurs,
    considérant que le prix de revient serait alors 3,4 fois plus cher,
    il indique « il n’est ni stratégique ni concurrentiel pour
    l’industrie valaisanne de produire localement aujourd’hui ».
  • La
    convention prévoyait de renforcer l’approvisionnement depuis
    l’Italie par le Simplon, afin d’éviter de traverser la
    métropole lémanique. Sur ce point, le rapport est lapidaire :
    « l’augmentation de l’approvisionnement en chlore depuis
    l’Italie reste une ambition de l’industrie mais elle dépend
    également de l’évolution à long terme du marché et n’est pas
    quantifiable à l’heure actuelle ».
  • Les
    quantités transitant par la région lausannoise ont diminué de
    22’300 tonnes en 2013 à… 21’000 tonnes en 2018. Entre 2000 et
    2014, la quantité de chlore traversant l’Arc lémanique a
    augmenté de 250%. Pourtant, le rapport considère que
    « l’introduction de restrictions de quantités pour le
    transport de chlore n’est pas nécessaire ».

De
manière à peine voilée, la Confédération indique que la pratique
ne changera pas tant qu’aucun accident tragique ne la pousse à
légiférer. Dans le rapport, la Confédération explique en effet :
« ces conditions-cadres sont susceptibles d’évoluer à moyen
terme. La pression publique pourrait rapidement augmenter, par
exemple en cas d’accident ferroviaire impliquant du chlore, en
Suisse ou dans un pays frontalier. La Suisse se retrouverait alors
dans un débat politique animé, forçant le gouvernement à prendre
des mesures fortes. »6
Pour rappel, la DC II a été signée suite au déraillement d’un
train transportant des matières dangereuses à Daillens en avril
2015.

Les
gouvernements genevois et vaudois ont pris position en 2016 suite à
la signature de la DC II considérant que cet accord était un
premier pas. « Pour Genève et Vaud, la fabrication de chlore
au plus près de son utilisation par l’industrie chimique valaisanne
reste également une priorité, dans le respect des besoins des
entreprises concernées et en partenariat avec elles »7.

Pour
faire suite à cette déclaration, les député.e.s soussigné.e.s
ont l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’État :

  1. Malgré
    les engagements pris, l’essentiel du chlore utilisé en Valais
    continue aujourd’hui de transiter par la métropole lémanique
    dans des proportions très similaires à 2013. Comment le Conseil
    d’Etat compte-t-il s’engager pour atteindre une réduction des
    risques à la source et une nette diminution des quantités de
    chlore transportées ?
  2. Comment
    le Conseil d’Etat comptent-ils défendre la sécurité des
    Vaudoises et des Vaudois dans ce groupe de travail, composés avant
    tout d’acteurs économiques (CFF, VAP, industrie chimique), suite
    à ce premier rapport de mise en œuvre de la DC II ?
  3. La
    Confédération prend acte que l’industrie chimique valaisanne
    n’a, à ce jour, « aucun intérêt » à produire
    localement. Le Conseil d’Etat partage-t-il la position fataliste
    de la Confédération ou est-il prêt à s’engager activement pour
    favoriser une production de chlore proche des usines, notamment en
    s’intéressant à l’aspect fiscal ? Considère-t-il
    également que les intérêts économiques de Syngenta et Lonza
    doivent primer sur la sécurité de la population vaudoise ?
  4. Dans
    la convention signée, « l’industrie s’engage à ne plus
    acquérir de chlore – le plus rapidement possible mais au plus
    tard à partir du 1er janvier 2019 – qu’auprès de fournisseurs
    procédant au transport à l’aide de wagons-citernes qui sont
    équipés de la meilleure technique de sécurité disponible »8.
    La Confédération constate l’échec de cet engagement, compte
    tenu du coût du renouvellement des wagons. Le Conseil d’Etat
    entend-il faire valoir l’argument de la sécurité de la
    population face à celui du coût lié indiqué ?
  5. Concernant
    l’élimination des 432 obstacles identifiés, le Conseil d’Etat
    compte-t-il faire valoir les conséquences qu’auraient un accident
    et la sécurité de la population dans le calcul économique qui
    détermine la proportionnalité de la mesure, pour réclamer un
    remplacement en un bloc ?
  6. Les
    wagons citernes contenant du chlore circulent-ils toujours de
    manière regroupée ? A quel horaire et quelle fréquence
    traversent-ils les agglomérations du Canton de Vaud? Sont-ils
    groupés avec d’autres wagons transportant d’autres marchandises
    ou matières dangereuses ?
  7. Dans
    ce même article du 24heures,
    l’OFEV annonce qu’un nouvel axe d’approvisionnement par
    l’Italie avait été ouvert. Quel bilan tire le Conseil d’Etat
    de cette solution, compte tenu que les quantités de chlore
    transportées via cet axe sont bien moindre que celles qui
    transitent par l’arc lémanique.

1 Communiqué de presse http://www.metropolelemanique.ch/docs/26-09-16-communique-presse.pdf

2 Page 8 du rapport d’avancement de la phase I de la DC II https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/56003.pdf

3
Débat
sur la résolution le 10 mars 2015 :
http://www.publidoc.vd.ch/guestDownload/direct?path=/Company%20Home/VD/CHANC/SIEL/antilope/seance/GC-Grand%20Conseil%20du%20Canton%20de%20Vaud%202012%20-%202017/2013/10/443441_BGC-Séance%20provisoire_20150507_1188823.pdf

4
https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-63906.html

5
https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20153395

6
Page
12 du Rapport d’avancement phase I DC II

7
http://www.metropolelemanique.ch/docs/26-09-16-communique-presse.pdf

8 Page 3 de le DC II https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/45485.pdf

Léonore Porchet