Santé des jeunes : Pour une politique de protection différenciée face aux pandémies
Interpellation
Le présent texte prolonge et complète le postulat Porchet et consorts (19_POS_169) [1], qui demande la mise en place d’une politique de promotion de la santé mentale spécifique aux étapes du parcours de vie. Cette demande est étendue par cette interpellation pour intégrer dans la politique de promotion de la santé mentale les nouvelles contraintes liées à notre entrée dans une « ère des pandémies » [2].
La presse a récemment mis en évidence l’impact négatif important de mesures prolongée d’endiguement de la propagation du COVID sur la santé mentale de la population, adultes comme enfants. Toutefois, le caractère néfaste de cette situation sur le développement des enfants et adolescents de 12 à 18 ans paraît encore plus important que ce que nous pouvions imaginer. Une diversification rapide et durable des mesures populationnelles de la lutte contre la propagation des pandémies en fonction de l’âge, paraît nécessaire.
D’une part, il est largement documenté que le développement de l’adolescent·e et le/la jeune adulte de 12 à 25 ans repose sur la possibilité de socialiser, d’expérimenter et de bouger. Ainsi, les contacts sociaux et le sport, la musique, le chant pour n’en citer que quelques-uns sont déterminants pour développer les capacités cognitives, émotionnelles et relationnelles qui serviront toute la vie. C’est à cet âge également que se prennent les bonnes ou mauvaises habitudes en matière d’activité physique, un des principaux facteurs de risque pour les maladies non-transmissible (MNT). Or les mesures de lutte contre la pandémie limitent les occasions de socialiser ou de faire de l’exercice.
Une enquête au sein des cabinets des pédiatres vaudois documente déjà une augmentation nette de l’obésité pédiatrique depuis le début des mesures liées au COVID avec 2-3 fois plus de consultations pour ce motif. Cette même enquête souligne l’augmentation nette de consultation de la population adolescente pour des motifs de déprime, envie suicidaires, anxiété, troubles du sommeil, perte de motivation à l’école et stress. La pédopsychiatrie a enregistré une augmentation de 60% des demandes d’hospitalisation et de consultation. Pro Juventute relève aussi une augmentation du nombre d’appels au service 147.ch[3]. Le climat d’anxiété généralisée provoqué par l’incertitude et les annonces contradictoires est également néfaste au développement émotionnel positif des jeunes, qui nécessitent sécurité, stabilité et cohérence ainsi qu’un cadre contenant et rassurant par les adultes qui les entourent. Or dans cette pandémie, beaucoup d’adultes ont eux-mêmes succombé à l’anxiété et la déprime et les jeunes se retrouvent à s’inquiéter pour leurs parents, leurs grands-parents, leurs enseignants etc…
Ainsi, les restrictions en cours comportent des risques accrus pour la santé et le bien-être de la population adulte de demain. En effet certaines études récentes soulignent que la génération des jeunes actuelle a déjà perdu des années potentielles de vie sur le long terme en raison de l’année que nous venons de traverser[4]. La mise en place de mesures sanitaires indifférenciées selon l’âge et la catégorie de risque pourrait entraver durablement cette génération dans son développement et l’exposer à une possible sur-morbidité importante dans 40 ans.
Une politique de réduction des contacts sociaux différenciée selon la phase de vie peut être mise en place pour mieux tenir compte des besoins développementaux des enfants, adolescent·es et jeunes adultes. Elle consiste en une réouverture large et rapide des espaces de socialisation et d’expérimentation à destination de la jeunesse, encadrée par des mesures sanitaires appropriées. Le risque que les jeunes soient davantage vecteurs du COVID suite à cette réouverture existe certes, mais il peut être atténué par des mesures de test rapide dans le canton dans les zones d’interface entre les jeunes et les autres générations (tests rapides après les périodes de contact (après un camp de jeune ou après le voyage d’étude par exemple), accompagné d’isolement circonstancié en cas de positivité).
Le 15 mars 2021, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) a annoncé une série de mesures bienvenues qui permettront aux jeunes de retrouver des contacts sociaux. Les organisateurs d’activités durant les vacances scolaires pourront notamment bénéficier de soutiens financiers qui permettront aux jeunes de se retrouver pendant les vacances d’été.
Dans le même esprit, pour faire face aux effets néfastes sur les jeunes des mesures indispensables de lutte contre la pandémie, nous avons l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :
- Le Conseil d’Etat envisage-t-il de permettre l’organisation des camps scolaires et des voyages d’étude habituels durant cette année civile ?
- Si oui, un accompagnement est-il prévu pour minimiser les risques sanitaires au terme de ces activités (retour dans les familles) ?
- Si la situation pandémique devenait à nouveau importante à la fin de l’été 2021, le Conseil d’Etat envisagerait-il d’intégrer la différenciation des âges dans les mesures de santé publique liée au COVID-19 ?
- Le Conseil d’Etat peut-il confirmer sa volonté de continuer à intégrer la commission des Jeunes du canton dans ses réflexions sur les réponses à apporter dans ce contexte particulier ?
- A plus long terme, le Conseil d’Etat envisage-t-il d’adapter les dispositions légales et les processus administratifs liés à la gestion des épidémies et pandémies dans le canton afin que les besoins en matière de développement des enfants et adolescents soient d’emblée reconnus et pris en compte lors de prochains événements ?
[2] La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) publie en octobre 2020 un rapport qui met en garde contre les risques d’une « ère des pandémies », concluant : « A moins que l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses ne soit modifiée, des pandémies futures vont apparaître plus souvent, se propageront plus rapidement, causeront plus de dommages à l’économie mondiale et tueront plus de personnes que le COVID-19 ». Source :https://fr.wikipedia.org/wiki/Pandémie
[3] « Le 147 aide les jeunes lorsqu’ils ont des petits ou grands soucis, des problèmes ou des questions ». Source : www.147.ch
[4] Christakis DA, Van Cleve W, Zimmerman FJ. Estimation of US Children’s Educational Attainment and Years of Life Lost Associated With Primary School Closures During the Coronavirus Disease 2019 Pandemic