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Parmi les secteurs les plus violemment touchés par la crise du covid-19, il y a le secteur des médias. Déjà très affaiblis dans un contexte général difficile, en particulier en raison de la concurrence avec l’information « gratuite » en ligne, les médias ont été touchés de plein fouet par la perte de revenus publicitaires, qui représentent une partie importante de leur chiffre d’affaires. Pour certains médias, les revenus publicitaires ont chuté de 50%, même parfois bien davantage encore. Ce phénomène est d’autant plus paradoxal que les médias ont joué durant la crise un rôle d’information absolument central. Pour le dire crûment : on n’a jamais autant eu besoin d’une presse forte et diversifiée, et pourtant elle se meurt.

Le dépôt de bilan de l’hebdomadaire « Le Régional » annoncé au début du mois de mai a retenti comme un premier coup de tonnerre dans un ciel déjà très sombre. Cette perte n’est pas la première – que l’on pense à la disparition de l’Hebdo et du Matin (version papier) – mais elle n’est pas non plus la dernière. Il s’agit bien plutôt du début d’une série noire en cette période de crise.

Les différentes projets d’aide (indirecte) à la presse, en discussion au niveau fédéral ou cantonal, sont évidemment bienvenus et nécessaires. Mais ils ne sont pas destinés à régler les problèmes de trésorerie des médias heurtés de plein fouet par la crise. En témoigne le très bon projet vaudois d’exposé des motifs et projet de décret instituant des mesures en faveur de la diversité des médias de décembre 2019 et qui sera bientôt soumis au Grand Conseil. Les mesure prévues à l’art. 3 de ce projet de décret doivent se déployer sur 5 ans et ont été conçues avant la crise, dans la perspective d’un soutien pérenne au paysage médiatique.

Les médias ont recouru, dans des proportions et selon des modalités variables, au dispositif de réduction de l’horaire de travail (RHT ou chômage partiel). Dans la plupart des cas,ce mécanisme est toutefois impropre à régler les problèmes spécifiques du secteur des médias, cela pour une double raison : d’une part, il était bien souvent impossible de se passer de la force de travail des employés, en cette période de forte production médiatique ; d’autre part, les soutiens obtenus par le RHT ne comblent que de façon incomplète les baisses des revenus publicitaires.

C’est la raison pour laquelle, contre l’avis du Conseil fédéral, les deux Chambres fédérales ont voté le principe d’une aide de transition au secteur des médias, lors de la session spéciale dédiée au coronavirus, pour un montant total de 65 millions de francs. Cette aide de transition comprend les mesures suivantes : des moyens financiers supplémentaires pour l’agence Keystone-SDA-ATS afin de pouvoir proposer gratuitement son service de base à ses abonnés ; distribution gratuite ou à un tarif avantageux des journaux ; aide de 30 millions de francs supplémentaires pour les radios et televisions locales.

L’aide de transition fédérale, même si le Conseil fédéral prend les dispositions correspondantes rapidement, pourrait mettre un certain temps à déployer ses effets. A l’instar du Régional, il sera trop tard pour certains médias. En outre, uniquement indirecte, cette aide ne permettra pas de compenser intégralement les pertes de revenus publicitaires. A ce propos, le soutien de 1.2 million annoncé par le Conseil d’Etat vaudois, par le biais d’une campagne d’annonces exceptionnelle, est une excellente mesure, mais qui ne va certainement. Les médis régionaux et locaux, en particulier, s’attendent à une chute massive des rentrées publicitaires cet été, en raison de tous les événements culturels, associatifs, musicaux, etc., annulés. On peut donc prédire que dans de nombreux cas leur situation financière sera particulièrement critique à l’automne.

Il faut ainsi s’attendre à des nouvelles faillites, restructurations ou concentrations de médias, particulièrement dommageables pour la diversité de la presse, fondement de la démocratie. Dans un tel contexte, une aide financière cantonale directe, à fonds perdus, est indispensable. Cette aide devrait servir à combler de façon transitoire les pertes de revenus publicitaires qui ne sont pas absorbées par les autres dispositifs d’aides (baisse des frais postaux de distribution, RHT, etc.). L’octroi d’une aide financière pourrait évidemment être sujette à certaines conditions, ne devrait pas excéder les pertes de rentrées publicitaire, etc.

Dans le canton de Fribourg, dix députés, issus de toutes les formations politiques, ont demandé en avril un fonds d’aide aux médias de 10 millions pour les médias ayant leur sigèe dans le canton. Le Conseil d’Etat vient d’annoncer, en date du 8 mai 2020, la mise à disposition d’un montant de 5.4 millions en faveur des médias fribourgeois.

Les députés soussignés demandent ainsi au Conseil d’Etat de lui soumettre de toute urgence un décret prévoyant un soutien financier au secteur des médias vaudois. Le financement de ce crédit sera assuré par les montants alloués par le Conseil d’État pour financer les mesures adoptées dans le cadre de la lutte contre la pandémie du COVID-19. Selon le cadre juridique applicable, le Conseil d’Etat posera les conditions et modalités d’octroi de cette aide dans un arrêté ou soumettra la base légale nécessaire au Grand Conseil, simultanément au décret.

Raphaël Mahaim