Interpellation

En novembre 2015, la rupture d’un barrage minier dans le sud-est du Brésil avait provoqué une catastrophe qualifiée à l’époque par le ministre de l’environnement de «pire catastrophe environnementale de l’histoire du pays». L’ouvrage appartenait à Samarco, contrôlée par Vale et l’Australien BHP Billiton. Une coulée de boue toxique s’était déversée sur 650 kilomètres, faisant dix-neuf morts et détruisant à peu près tout sur son passage, avant de se jeter dans l’océan Atlantique.
Trois ans plus tard, la même région subi une catastrophe d’une ampleur similaire après la rupture d’un nouveau barrage minier appartenant à la même société : Vale. Près de 13 millions de mètres cubes de résidus miniers se sont déversés dans le fleuve Paraopeba, provoquant la mort d’au
moins 58 personnes, et la disparition de plus de 300 personnes. Dimanche matin, Vale alertait les habitants de la région du risque imminent de rupture d’un second barrage.
Dans ce nouveau désastre, la responsabilité de Vale est à nouveau engagée. La justice brésilienne a déjà retenu plus de 200 millions d’euros sur les comptes de l’entreprise de façon préventive, et le procureur général de sa région a demandé la retenue d’1 milliard d’euros supplémentaires.
Vale ayant son siège international à Saint-Prex, notre parlement avait accepté, il y a 3 ans une résolution demandant qu’aucun montage financier ne puisse permettre au géant minier de soustraire les amendes et dédommagements du fisc. En réponse à cette résolution, le Conseil
d’Etat avait rappelé que « Vale International n’était pas concernée par cette problématique puisque le dommage s’est produit au Brésil et que la société concernée n’est pas détenue par la société vaudoise … » (16 décembre 2015). Le modèle d’affaire de la société permettrait donc une dilution
des responsabilités qui empêcherait d’appliquer une telle mesure sur territoire vaudois.
La question de la déductibilité des sanctions financières prononcées à l’étranger fait l’objet de débats depuis plusieurs années au niveau fédéral. Le Parlement fédéral pourrait adopter une loi qui permettrait d’empêcher les entreprises de déduire les sanctions financières à caractère pénal.
Dans le même temps, toujours à Berne, le parlement débattra d’un contre-projet indirect à l’initiative populaire « pour des multinationales responsables » qui demande que les sociétés domiciliées en Suisse assument leurs responsabilités en matière de droits humains et de protection de l’environnement également dans leurs activités à l’étranger.
Toutes ces actions menées au niveau fédéral sont réjouissantes et rappellent combien la population suisse est attachée au devoir de diligence et de responsabilité sociale et environnementale des entreprises, que leur activité se déploie en Suisse ou ailleurs.
Or, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat en 2015, la marge de manoeuvre du canton pour activer un quelconque levier fiscal dans le dossier Vale est quasiment inexistante. Face à cette analyse juridique froide, et en pensant aux catastrophes qui touchent le Brésil nous ne pouvons toutefois
rester inactifs.
Vale a bénéficié, pendant de nombreuses années, d’exonérations fiscales dans le canton de Vaud. Dans le même temps, notre canton a pu compter sur la création de plusieurs dizaines d’emplois assurés par la société. Alors, malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent de la catastrophe,
malgré les barrières juridiques, nous estimons avoir, un devoir moral et un devoir de transparence vis-à-vis des populations brésiliennes et suisses mais aussi vis-à-vis des autres entreprises vaudoises. Compte tenu du contexte, il nous paraît insupportable d’imaginer que cette société
développe des montages financiers pour alléger ses responsabilités fiscales.
Ainsi, nous avons l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :
1 . Dans le respect du secret fiscal, le Conseil d’Etat peut-il nous confirmer que Vale ne bénéficie plus d’exonérations fiscales depuis fin 2015 ?
2. Lorsque le Conseil d’Etat octroie des exonérations fiscales, fait-il une analyse des agissements passés de l’entreprise en matière de responsabilité sociale et environnementale et prend-il en compte ceux-ci dans les critères d’attribution ?
3. Au-delà des barrières juridiques développées dans le cadre des réponses apportées à l’interpellation et à la résolution R. Mahaim en 2015, l’entreprise Vale a-t-elle pris un quelconque engagement auprès du Conseil d’Etat de ne pas déduire les sanctions financières dont elle pourrait faire l’objet ?
4. Quelle est la position du Conseil d’Etat sur les renforcements envisagés dans la loi fédérale sur le traitement fiscal des sanctions financières actuellement en discussion au parlement ?
5. Quelle est la position du Conseil d’Etat sur l’initiative intitulée «pour des multinationales responsables»?
6. Les évolutions du droit fédéral actuellement en discussion au parlement sont-elles de nature à doter le Conseil d’Etat de compétences nouvelles en matière fiscale ?
Vassilis Venizelos