Motion

Depuis plusieurs années, plusieurs espèces d’insectes exotiques se propagent sur le territoire cantonal.

Ainsi, le moustique tigre a prise ses aises dans nos contrées, installé sur la Côte depuis 2022. Rappelons qu’il peut être vecteur de maladies potentiellement sévères telles que la Dengue et le Chikungunya. Actif principalement de jour, Il est également source de nuisances importantes, comme peuvent l’expérimenter celles et ceux qui se rendent en Italie ou dans le sud de la France. Les atteintes potentielles à la santé justifient un ancrage dans la loi sur les épidémies. La Confédération soutient le monitoring et la coordination de la lutte cantonale. Le Canton du Tessin, le premier touché en Suisse, a adapté son appareil législatif pour soutenir son action de lutte au niveau du territoire cantonal. Rien de tel à ce jour dans le Canton de Vaud.

D’autres organismes menacent également le territoire suisse, notamment le scarabée japonais, qui est une menace pour les cultures, ou le longicorne asiatique qui lui s’attaque aux arbres feuillus. Ici, les moyens sont mis par l’Office fédéral de l’environnement et l’Office fédéral de l’agriculture, qui tous deux forment le Service phytosanitaire fédéral, conformément à l’ordonnance sur la santé des végétaux (OSaVé)[1].

Venons-en au frelon asiatique. Quasiment inexistant sur notre territoire il y a cinq ans, la population de cet insecte explose depuis 2022, et les expert.e.s s’attendent à une situation difficile en 2024 suite à un hiver particulièrement doux. Ces frelons s’attaquent aux colonies d’abeilles européennes et sont un grave danger pour ces pollinisateurs. Au printemps la première génération de nids (dit nids primaires) peut héberger des centaines de reines potentielles, qui se disséminent ensuite pour former des nids secondaires. La lutte contre ce frelon est menée par une Task force constituée d’expert.e.s du domaine sous la houlette du prof Daniel Cherix. Ils font un travail remarquable d’identification des insectes suspects (plateforme frelonasiatique.ch), de traque de frelons, d’identification puis de destruction des nids primaires et secondaires. Ce travail se fait en collaboration avec les apicultrices et apiculteurs et les Communes. Cette équipe développe des outils innovants avec la HEIG-VD, facilitant notamment le traçage des frelons, outils qui serviront certainement à l’ensemble de la Suisse.

On pourrait donc se dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Néanmoins, on peut s’inquiéter du fait que toute la lutte et la prévention contre ces différentes espèces d’insectes envahissants soit menée par quelques personnes fournissant du travail en grande partie bénévole, portées par des individus-clé qui devraient en fait plutôt profiter de leur retraite, et des membres de l’administration dont l’implication déborde de leur cahier des charges. La pérennité d’un tel fonctionnement pose question. Il semble que l’appareil législatif soit nettement insuffisant pour permettre une lutte efficace contre ces différentes espèces invasives. Concernant le partage des responsabilités, on voit bien dans la situation du frelon asiatique que de faire porter les mesures de prévention ou d’éradication à charge des propriétaires et exploitants met en péril l’annonce suffisamment précoce des nids primaires par ces personnes, ce qui fragilise l’ensemble du dispositif.

Si on revient à la prévention de l’installation du moustique tigre, plusieurs actions peuvent être entreprises, comme informer la population et les entreprises sur le risque posé par les petites surfaces d’eau stagnantes fort appréciées par les femelles moustique pour leur ponte (coupelles, pneus à l’air libre), mais aussi traiter les surfaces plus larges à l’aide de larvicides naturels. Cela se fait déjà, mais là encore les actions communales se font sur une base volontaire. Les communes n’ont en fait aucune d’obligation d’agir contre les moustiques depuis l’abrogation de l’arrêté Mouches de 1948 en 2008[2].

Le 18 mai 2016, le Conseil fédéral a adopté la « Stratégie suisse contre les espèces exotiques invasives »[3], dont la mise en œuvre entraînera des changements dans la base juridique. L’ensemble des partenaires attend impatiemment cette mise en œuvre, notamment la force obligatoire du système de classification des espèces ainsi que la possibilité d’une participation financière de la Confédération aux mesures de lutte des cantons, dans le cadre de la révision de la loi sur la protection de l’environnement. Mais globalement on sait que de toute façon cette lutte devra être organisée au niveau cantonal, avec un monitoring au niveau fédéral. Il est donc grand temps pour le Canton de Vaud de prendre les devants pour se doter de bases légales suffisantes.

Par la présente, la motionnaire souhaite que le Conseil d’Etat présente un projet de loi ou de décret :

  • Renforçant les mesures de prévention et de lutte contre les espèces exotiques envahissantes
  • Clarifiant les situations où les mesures de sensibilisation ou de lutte contre les organismes exotiques envahissants n’incombent pas aux propriétaires
  • Clarifiant les compétences et les responsabilités des différents services de l’administration cantonale et des Communes dans le cadre de la lutte contre les espèces exotiques envahissantes
     

[1] Ordonnance du DEFR et du DETEC relative à l’ordonnance sur la santé des végétaux (OSaVé-DEFR-DETEC) du 14 novembre 2019. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2019/787/fr

[2] Arrêté 818.11.1 prescrivant l’obligation de détruire les mouches et les moustiques sur le territoire du canton de Vaud (AMouches). https://www.lexfind.ch/tolv/132497/fr

[3]Stratégie de la Suisse relative aux espèces exotiques envahissantes du 18 mai 2016. https://www.bafu.admin.ch/dam/bafu/fr/dokumente/biodiversitaet/fachinfo-daten/strategie_der_schweizzuinvasivengebietsfremdenarten.pdf.download.pdf/strategie_de_la_suisserelativeauxespecesexotiquesenvahissantes.pdf