Postulat

Être un-e jeune proche aidant-e, ne consiste pas à rendre un service ponctuel à ses parents en allant, par exemple :faire une course, donner un coup de main lors d’une grippe ou autre maladie passagère mais est un véritable statut. En effet, le temps consacré à aider, seconder un-e proche est estimé à plus de 10h hebdomadaire.

Ces enfants, adolescents, jeunes adultes de moins de 25 ans s’occupent d’un-e membre de leur famille qui doit s’en remettre à eux. Comme par exemple, dans le cas d’une famille allophone ou des parents qui n’ont pas les connaissances administratives pour répondre et faire face à leurs obligations. Ou lorsque un-e parent.e est atteint-e par une maladie physique (cancer, AVC, sclérose en plaques, etc.) ou lors de maladie mentale (une dépression, compulsion, peur). Cela peut être également dans des situations où les parents ont des troubles cognitifs (personnes ayant des difficultés à comprendre, à apprendre ou à planifier des informations compliquées) ou encore dans des cas de problèmes d’addiction d’un-e membre de la famille, assistance aux grands-parents et autres situations qui demandent une assistance permanente.

Selon une étude de la Haute École de Santé de Zurich (Careum) du programme « Young Carers »,8% des élèves de 10-15 ans sont des proches aidants. Ils accompagnent, aident aux activités de la vie quotidienne, aux soins de base, assurent une présence. Ils le font pour leurs parents, frères et sœurs et grands-parents.

Ils assument ainsi un grand nombre de responsabilités en participant par exemple aux soins, y compris la planification des médicaments et/ou des rendez-vous chez le médecin. Ils/elles portent assistance en aidant le-la proche aidé-e à s’habiller, à manger, à se déplacer, à se laver. Les enfants proches aidants apportent également du réconfort et du soutien. Ils-elles doivent souvent rassurer, encourager, consoler, ils-elles peuvent également s’occuper de la fratrie. Il n’est pas rare qu’ils-elles soient également sollicité-e-s pour assumer des tâches ménagères (repas, lessives, nettoyages, etc.) ou encore pour des tâches administratives. La pression et les attentes sur ces jeunes sont encore plus importantes dans les familles monoparentales.

Ces enfants sont confrontés à leurs angoisses, leurs peurs, à la culpabilité ainsi qu’à la honte et tabou d’avoir un-e parent-e avec des difficultés. Ils-elles développent de l’hypervigilance, de l’hypermaturité, petit à petit ils-elles s’oublient. Cela s’exprime dans leur vie privée, mais également dans leur vie scolaire et leur vie d’enfant. Ils-elles n’ont plus de vie sociale, s’éloignent de leurs camarades, ont de moins en moins de temps pour eux, pour vivre leur quotidien d’enfant, d’adolescent. Pour réaliser les diverses tâches et répondre aux attentes, ils-elles amputent le temps qui devrait être consacré à leurs études, pouvant mener à l’échec scolaire, à l’arrêt des études ou de l’apprentissage par épuisement.

Ce sont souvent des jeunes qui ont une faible estime d’eux-elles-mêmes, car, ils existent que parce que l’on a besoin d’elles et eux et non pour qui ils-elles sont réellement. A certaines étapes du développement de l’enfant cette focalisation sur les besoins du proche plutôt que sur les siens impacte durablement l’identité du jeune. C’est donc un enjeu de prévention. En outre, pour la plupart, ils dissimulent à leur entourage (professeur-e-s, camarades, ami-e-s) leur quotidien et les difficultés rencontrées par la famille par peur de ne pas être dans la norme. Ils-elles doivent faire face à une forme de solitude.

Très souvent, les familles n’ont pas conscience de ce que leur enfant porte et endure, et lorsqu’elles le réalisent, elles sont souvent tristes et démunies face à ce que vit leur enfant. On ne peut aider ces enfants sans aider les proches aidé.e.s (la dyade proche aidant-aidé est indissociable)

Diverses associations dans le Canton font un travail remarquable tant auprès des parents que des enfants, afin que chacun-e puisse trouver sa place et jouer son rôle, notamment pour que l’enfant puisse déculpabiliser, avoir des espaces à lui. Il est également essentiel de reconnaître les compétences qu’il-elle a développées.

Il est capital de valoriser l’enfant pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait. Il doit pouvoir exister pour lui-elle tout-e seul-e.

Pour que ces associations puissent agir auprès de ces jeunes et des familles et afin de pouvoir mettre en place diverses mesures pour aider la personne qui en a besoin ainsi que pour libérer de la pression sur les jeunes, il est important de pouvoir détecter au plus vite ces enfants, notamment pour effectuer une prévention des risques de développement psychique, d’épuisement, d’isolement et de décrochage scolaire.

L’école étant le lieu où il-elle passe le plus de temps hors du milieu familial, il est ainsi essentiel que les enseignant-e-s soient sensibilisé-e-s déjà au primaire et qu’ils-elles puissent avoir accès à l’information concernant cette problématique afin de mieux l’appréhender. Cela peut être fait, entre autres, en favorisant une meilleure transversalité entre les divers services concernés et les associations afin que les professionnel-les puissent connaître les ressources et leviers qui peuvent être actionnés.

Ainsi, le présent postulat demande au Conseil d’État d’étudier les possibilités de :

  • Faire connaître et reconnaître le statut de jeune proche aidant-e
  • Impliquer et sensibiliser les enseignant-e-s, les professionnel-le-s de la santé et de l’enfance et celles et ceux qui œuvrent autour des enfants sur cette problématique.
  • Permettre aux services transverses de disposer de moyens pour informer les enseignant.e.s  professionnel-le-s de la santé et de l’enfance pour favoriser une intervention rapide en cas de doute ?
  • Faire mieux connaître cette problématique à des fins de prévention par exemple lors de la journée des proches aidants, notamment auprès des ensignant-e-s, des élèves et des professionnel-le-s de l’enfance.
  • Développer une sensibilisation et une communication destinée aux jeunes, car le terme « proche-aidant » ne leur permet pas de s’identifier
  • Communiquer sur les associations actives auprès des enfants et jeunes proches aidant-e-s et de mieux faire connaître leurs actions et travail.
  • Promouvoir une rencontre pluridisciplinaire annuelle pour favoriser les collaborations entre les représentant-es des communes, de l’enseignement (y.c. spécialisé), de la promotion et de la santé à l’école, de l’orientation et les associations actives dans le soutien aux proches aidants pour favoriser la réalisation de projets de proximité adaptés aux besoins spécifique de la région.
     

Témoignages :

https://www.young-carers.ch/que-dissent-les-autres-jeunes-aidantes