Donner au lieu de gaspiller : des mesures claires pour lutter contre la destruction des invendus alimentaires

Postulat

Selon les chiffres de la Confédération datant de 2022, environ le tiers des aliments produits pour la consommation suisse sont gaspillés ou jetés inutilement, ce qui représente environ 330kg par habitant et par an.

Sur le plan strictement environnemental et d’après l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), les aliments non consommés génèrent des émissions de CO2 et contribuent à la perte de biodiversité. Les pertes alimentaires évitables représentent 25% de l’impact environnemental dû à l’alimentation en Suisse.

Le gaspillage actuel équivaut, en quantité de CO2, aux émissions de 1’500’000 de voitures. En réduisant donc d’un tiers le gaspillage actuel, on économiserait l’équivalent du CO2 produit par 500’000 voitures, comme le rappelle le WWF Suisse [1].

Beaucoup de mesures mises en place jusqu’ici vont dans le bon sens (comme l’amélioration de la déclaration de la durée). De même, les associations telles que Table Suisse ou Table couvre-toi font un travail remarquable en partenariat avec les enseignes de la grande distribution, les restaurateurs et plus largement les commerces alimentaires. Du côté des ménages, qui génèrent tout de même 38% [2] du gaspillage alimentaire, très peu de choses sont mises en place pour les soutenir dans la réduction du gaspillage alimentaire.

Il est difficile pour une partie importante de la population de remarquer les effets concrets et de quantifier les invendus qui finissent à la poubelle, les mesures actuelles étant essentiellement appliquées sur une base volontaire, à l’instar de la distribution de denrées par certaines associations. De même, le renvoi au Conseil d’État du postulat Nathalie Jaccard et consorts intitulé « Composter au lieu de javelliser ? » en 2019, qui demandait entre autres de faciliter la redistribution des invendus, n’a pas donné lieu à des changements significatifs.

Certaines associations qui récoltent les invendus alimentaires, comme par exemple Table Suisse, ne reçoivent d’ailleurs aucun soutien financier de la part des collectivités publiques (Confédération, Cantons et communes) et vivent uniquement de dons et de partenariats. En soutenant, sous une forme ou une autre, ces associations, on pourrait possiblement leur permettre de visiter davantage de succursales, voire des particuliers, et d’augmenter ainsi la quantité des invendus récupérés.

Aussi, chaque établissement de distribution alimentaire gère ses invendus comme il le désire. De fait et dans un certain nombre de cas, lesdits invendus sont purement et simplement détruits, quand bien même ils sont encore comestibles, ce qui représente un gâchis monumental.

Pour lutter contre ce fléau, la France s’est érigée en pionnière en inscrivant, dans sa « loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire » [3], l’interdiction, notamment pour les grands distributeurs, de jeter ou détruire les invendus si des dons ou réemplois sont possibles. En plus d’être environnementalement positive, cette mesure renforce également le pouvoir d’achat des employé.e.s, puisqu’ils et elles peuvent partir du travail en récupérant gratuitement certains invendus qui auraient de toute façon fini à la poubelle, ne représentant ainsi aucun impact économique négatif pour l’entreprise. Il s’agit par ailleurs d’une mesure très facile à mettre en place.

Sans aller toutefois aussi loin, il semble judicieux de quantifier une bonne fois pour toutes le gaspillage alimentaire dans notre canton et de réfléchir à légiférer sur la question, notre législation étant parfaitement lacunaire à ce sujet. Une des solutions pourrait être d’agir au niveau de la grande distribution, qui possède énormément de moyens (financiers et logistiques) et qui génère ainsi davantage de flux alimentaires comparativement aux petites épiceries et commerces familiaux.

Au vu de ce qui précède, les signataires du présent postulant demandent au Conseil d’État de/d’ :

  • Étudier et quantifier les invendus alimentaires produits par les commerces alimentaires, et notamment la grande distribution, sur le territoire cantonal
  • Envisager un soutien financier ou sous une autre forme aux associations actives dans la récupération d’invendus alimentaires, auprès des grandes surfaces ou des particuliers, afin de leur permettre de renforcer leur(s) action(s)
  • Réfléchir à la pertinence d’une inscription dans la loi sur les auberges et débits de boissons (LADB), la loi sur l’exercice des activités économiques (LEAE) et/ou toute autre loi qu’il jugera utile afin que les enseignes de la grande distribution soient désormais tenues de donner tout ou partie du stock alimentaire invendu.

Dans tous les cas, la destruction de tout ou partie du stock alimentaire invendu ne devrait intervenir que dans un second temps, après qu’une solution de don ou de réutilisation aura été proposée aux employé.e.s, aux associations et/ou aux institutions d’utilité publique.
 

[1]https://www.wwf.ch/fr/nos-objectifs/gaspillage-alimentaire

[2]https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/dechets/guide-des-dechets-a-z/biodechets/types-de-dechets/dechets-alimentaires.html

[3]https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759