A l’heure du changement climatique, de la pandémie de coronavirus, et des tensions sociales croissantes, difficile de réorienter nos pratiques et les priorités de l’Etat si les indicateurs utilisés pour mesurer la prospérité et le bon fonctionnement de la société restent uniquement braqués sur l’économie et un modèle de croissance quantitative. Alors que la crise sanitaire que nous traversons a démontré la fragilité de l’économie mondialisée fonctionnant à flux tendus et que l’indicateur courant du produit intérieur brut (PIB) ne tient aucun compte des réalités sociales ou environnementales, alors même que la relance post-crise devra être pensée en termes de résilience sociale et de sauvegarde de la biosphère et du climat, il devient plus que jamais nécessaire de changer de point de référence pour mieux cibler nos politiques.

Trop rares sont encore les Etats à avoir déjà franchi le pas : le Bhoutan est l’une des exceptions les plus célèbres : il a renoncé au PIB et ancré dans sa Constitution un indicateur mesurant le niveau de prospérité en des termes plus globaux : le « Bonheur national brut ». Au plan international, les Nations Unies ont depuis de nombreuses années pris l’habitude de mesure le « développement » des Etats avec l’Indice de développement humain (IDH), qui tient compte, aux côtés du PIB, de l’espérance de vie et du niveau d’éducation des enfants. Ce critère ne tient toutefois pas compte des réalités environnementales. Plus récemment, l’économiste britannique Kate Raworth a élaboré le modèle dit du Doughnut (« beignet »), lequel vise à déterminer une prospérité « idéale » dans les limites de ce que la planète est capable de supporter et dans le respect des besoins sociaux minimaux. Tout récemment, la France a pour la première fois de son histoire réalisé un « budget vert 2021 », lequel indique les dépenses publiques favorables ou défavorables à l’environnement.

Grâce à l’adoption du postulat Vert ce matin, le canton de Vaud fait désormais figure de pionnier dans notre pays et il prend ainsi le virage d’une prospérité pacifique et “heureuse”, pour toutes et tous. Le postulat demande en effet aux autorités de réorienter et compléter, dans tous les domaines relevant de leur compétence, la mesure de la prospérité vaudoise à l’aune de critères et d’indicateurs tenant mieux compte du bien-être collectif (aspects sociaux, état de l’environnement, etc.) et de rédiger un rapport complet sur toutes les actions entreprises.

Un jour important donc pour notre canton et un changement de paradigme fondamental, pour désormais remettre l’humain et la planète au centre et considérer la performance de l’économie à l’aune des limites planétaires et des besoins sociaux humains