Les révélations des dernières semaines sur les fraudes massives de la part d’entreprises de récolte rémunérée de signatures ont encore une fois mis au jour les dérives de ces pratiques. Aujourd’hui, les initiatives et les référendums s’achètent et se vendent. Dans un pays qui se vante d’avoir un système démocratique unique au monde, cette affirmation a de quoi surprendre. Les outils de démocratie directe, tant enviés par nos voisins, sont devenus une marchandise comme une autre avec les dérives que l’on peut constater.

Depuis plusieurs années, les Vert-e-s s’inquiètent de cette tendance et de cette offre sur le marché. Nous avons tenté de faire interdire cette pratique à divers échelons, sans succès pour le moment. Les problèmes soulevés par cette pratique sont nombreux. D’abord, la rémunération des signatures jette un doute général sur celles et ceux qui arpentent les marchés et les festivals, donnant de leur temps et de leur énergie pour une cause en laquelle ils croient. Ensuite, le mode de rémunération pousse les récolteurs et les récolteuses à la fraude: ils sont payés un franc la signature. Pour celles et ceux qui ont déjà fait des récoltes, ce chiffre est affolant: dans une bonne journée, une dizaine de signatures écrites par heure est un score honorable. Alors pour que l’exercice soit un peu plus rentable, il est facile d’enjoliver un peu la réalité, de passer sous silence quelques enjeux ou carrément de dire le contraire de ce que dit le texte pour amadouer le chaland. Mais les médias ont révélé dernièrement que cela allait jusqu’à la copie massive de signatures.

On ne peut pas vendre impunément la démocratie: il y a un prix fort à payer et c’est la confiance des citoyens et citoyennes
Rebecca Joly, Cheffe de groupe des Vert·e·s au Grand Conseil

Certains et certaines peuvent dire que la sanction n’est pas grave: au fond, si une initiative a abouti alors qu’elle n’était pas forcément soutenue, la sanction tombera dans les urnes. Mais on ne peut pas vendre impunément la démocratie: il y a un prix fort à payer et c’est la confiance des citoyens et citoyennes. Aujourd’hui, lorsque nous, militants et militantes, sommes sur le terrain, la population se méfie, elle nous toise, elle nous ignore. La multiplication des objets en votation implique un désintérêt grandissant pour les questions politiques. Les gens nous mettent tous et toutes dans le même panier. Enfin, des contre-projets sont parfois créés pour reprendre une idée ou une autre d’une initiative, cela alors même qu’elle n’aurait peut-être pas abouti.

Redresser la barre
Nous devons redresser la barre et rappeler un élément essentiel: notre démocratie n’est pas uniquement formée d’outils mais elle dépend aussi des personnes qui les font vivre. Sans personnes engagées, prêtes à braver les éléments et à se lever le samedi matin pour aller sur les marchés encourager à voter ou récolter des signatures, notre fierté nationale qu’est notre système démocratique est en danger. Et il est temps que les majorités parlementaires de ce pays s’en rendent compte.

Réflexion publiée dans la rubrique « Opinions » du le 24 Heures du 23 septembre 2024