L’entrée en vigueur anticipée de la RIE 3 vaudoise n’aura pas été de tout repos. Pour de nombreuses communes vaudoises en particulier, ce budget 2019 ne sera pas un exercice aisé, surtout dans l’ouest du canton. Car à la baisse attendue des recettes fiscales sur les personnes morales (compensée en bonne part grâce à l’accord entre le Canton et les communes) s’ajoutait encore en 2019 la suppression totale du point d’impôt écrêté. Késako ? C’était la dernière modification de 2016 de la loi sur les péréquations afin de renforcer la solidarité entre les communes pour le paiement, en particulier, de l’augmentation de la facture sociale.
Le mot est lâché. Péréquation, un mot qui fait pâlir les boursiers communaux et qui donne des migraines à quiconque essaye de la comprendre dans ses détails les plus techniques. Il faut toutefois se rappeler qu’à l’origine, dans le canton de Vaud, cette péréquation intercommunale visait surtout à offrir une réponse alternative à l’idée d’un taux fiscal unique pour toutes les communes. Car oui, toutes les communes n’ont pas les mêmes typologies géographiques, sociales et économiques. La péréquation voulait alors s’assurer de pouvoir soutenir les communes moins bien loties et celles qui faisaient face à beaucoup de besoins, en particulier les villes-centres. De plus, comme la loi (de manière générale) ne donne pas des compétences aux communes en fonction de leur taille, les communes vaudoises se retrouvent toutes avec les mêmes obligations de base, quel qu’en soit la taille. D’une certaine manière, la péréquation permet ainsi d’assurer l’autonomie communale, c’est sa contrepartie.
Mais le système péréquatif vaudois doit être revu en profondeur, le Conseil d’Etat en est convaincu. Pourquoi ? Avant tout, en raison de sa complexité, de son opacité et aussi de sa fragilité. Depuis que je suis à la tête du DIS, j’ai déjà procédé à 3 modifications législatives sur la péréquation, à chaque fois pour corriger en partie la précédente. Il n’est plus possible d’appliquer des correctifs sans provoquer des effets indésirables. La péréquation elle ne traite d’ailleurs pas toutes les communes de manière tout à fait équitable. Enfin, il y a la péréquation intercommunale directe et ce qui est communément appelé la péréquation intercommunale indirecte, la facture sociale. Il s’agit essentiellement d’un partage de factures cantonales, avec un mécanisme de solidarité péréquatif entre les communes.
Que faire ? disait l’autre. Le Conseil d’Etat a adopté les quatre buts et sept principes qui selon lui devraient présider à la nouvelle péréquation intercommunale vaudoise, la NPIV. Retenez ce nom, il sera certainement l’objet d’âpres discussions ces prochains mois, voire années. Les quatre buts de la NPIV devraient donc être les suivants :

  1.  Elle devra être plus simple et plus transparente.
    Les communes devront pouvoir saisir facilement les raisons des transferts qui les concernent et ne pas être seulement informées du montant à leur charge.
  2. Elle devra traiter équitablement toutes les communes.
    Les communes bien loties devront aider, selon leurs possibilités, celles moins bien loties. Toutefois, la péréquation ne devra surtout pas rendre la situation des communes contributrices moins bonne que celle des communes bénéficiaires.
  3. Elle devra être stable tout en étant facile à piloter.
    Elle devra pouvoir fonctionner plusieurs années sans révisions d’urgence. Il devra être possible de modifier les différents paramètres de la nouvelle péréquation sans risquer de générer des effets autres que ceux souhaités.
  4. Elle ne devra plus être source de mauvaises incitations.
    Les choix budgétaires et fiscaux des communes ne devront plus avoir d’influence sur les transferts financiers générés par la péréquation.

Ces quatre buts sont en somme assez simples. Plus de transparence, plus d’équité et plus de stabilité. Alors quels seront les 7 principes qui pourraient soutenir la mise en place de la NPIV selon les buts énoncés :
Il faut tout d’abord séparer clairement péréquation des ressources et péréquation des charges. Aujourd’hui chaque instrument de la péréquation actuelle tente de réduire à la fois les disparités de ressources (« riches » vs « pauvres ») et les disparités de charges structurelles (ou besoins). Cela ne permet pas d’avoir 2 curseurs indépendants sur lesquels agir pour calibrer la solidarité intercommunale. Ainsi, à l’avenir, chaque instrument de la nouvelle péréquation devrait s’attaquer ou aux inégalités de ressources ou aux inégalités de charges, mais pas aux deux en même temps.
Deuxièmement, la NPIV devra éviter de mêler péréquation des ressources et répartition des factures cantonales (facture sociale, facture policière, etc.). Plusieurs motions ont été déposées au Grand Conseil pour la reprise entière ou partielle de la facture sociale par le canton. Cette question devrait idéalement être tranchée avant de se plonger véritablement dans les modèles techniques.
Troisièmement, la NPIV devra s’atteler à introduire une symétrie des transferts. Avec le système actuel, les communes «riches» aident à la fois les communes «pauvres» et les communes avec des besoins de dépense particuliers. A l’avenir, les communes avec des ressources inférieures à la moyenne continueront à être aidées par celles mieux loties. Par contre, les communes avec des charges supérieures à la moyenne devront être aidées par celles avec moins de charges. Cette manière de faire permet de s’atteler de manière plus ciblée aux causes de disparités fiscales entre les communes.
Ensuite, la NPIV doit pouvoir s’adapter automatiquement à l’évolution des disparités entre les communes. Fini les retouches trop récurrentes aux lois et décrets. Ainsi, les montants redistribués par la péréquation des ressources devront augmenter quand les disparités de ressources grandissent et diminuer quand elles se réduisent. Idem pour la péréquation des besoins.
Cinquième principe, la NPIV devrait se baser sur un indice de ressources plus représentatif, car avant de faire de la redistribution entre communes « riches » et « pauvres », il faut mesurer les ressources des communes. Dans le système actuel, les ressources des communes sont mesurées à travers la valeur du point d’impôt péréquatif (on prend en compte certains impôts, etc.). Cet indicateur présente plusieurs défauts, ce qui ne permet pas de mesures correctement les ressources des communes et à l’avenir, il faudra adopter un indice de ressources ayant les mêmes caractéristiques de ceux des autres cantons.
De plus, il faut que la NPIV dispose d’un volet « besoins » bien délimité, objectif et faisant surtout preuve de retenue. En effet, le système actuel essaie de compenser les besoins des communes sur la base de leurs dépenses réelles et de leur taille. On envoie des factures et on se fait rembourser. Or, ces deux pratiques sont déconseillées par les spécialistes car elles ciblent mal les besoins des communes, car elles favorisent surtout en quelques les communes plus dépensières et moins efficientes. A l’avenir, la péréquation des besoins devrait donc se concentrer seulement sur les différences de besoins dont les causes sont des inégalités de situation et non pas des choix de gestion différents.
Et enfin, last but not least, et c’est un principe qui va provoquer de larges discussions, il faut s’assurer que la NPIV contribue à la compensation des charges spécifiques des villes-centres. En effet, il faudra trouver des solutions adéquates et transparentes pour compenser les dépenses encourues par les centres afin d’offrir des prestations dont bénéficient aussi les résidents des autres communes. C’est qu’on appelle un effet de débordement.
Résumés brièvement, voici les buts et principes techniques que s’est fixé le Conseil d’Etat, en s’appuyant pour cela sur les bonnes pratiques initiées par d’autres cantons et par la Confédération et sa fameuse RPT, ou péréquation intercantonale.
Le 30 novembre dernier, nous avons tenu le 1er Forum sur la péréquation intercommunale vaudoise. Une salle du Grand Conseil archi-comble pour lancer formellement les travaux de cette NPIV, et qui a montré une convergence au moins sur un point : cette réforme est indispensable et elle doit être menée de concert en particulier avec les deux associations faitières des communes. Pour éviter les blocages d’éventuels perdants au nouveau système, il faudra aussi prévoir un mécanisme pour faire face aux cas de rigueur et permettre une entrée en vigueur en douceur. Pour quand cette entrée en vigueur ? Je l’espère pour les exercices budgétaires 2023. Tout un programme.
D’ici ces nouvelles aventures, je vous souhaite à toutes et à tous de belles fêtes de fin d’année !
Béatrice Métraux