Actes verts n°58 – juin 2020

Pensez-vous que les parlementaires ont chômé durant le semi-confinement dû au COVID-19 ? Il semble que non, à en croire le dépôt de 100 objets parlementaires au Grand Conseil vaudois depuis la reprise des sessions, le 12 mai, à la Marive d’Yverdon. Malgré l’annulation de six séances plénières, le travail s’est poursuivi tout du long, en arrière-fond, dans la discrétion, à l’abri des feux médiatiques. Il a été bien plus large que la mise sur papier des problématiques rencontrées, et ce, dans un contexte de quasi non droit, et sans reconnaissance financière du travail effectué.

Pas d’indemnités durant le semi-confinement

Faut-il le préciser, les député·e·s vaudois·es n’ont pas droit aux RHT. L’indemnité qu’ils et elles perçoivent (pour les séances plénières mais qui couvrent aussi leur préparation) n’est pas considérée comme un salaire. Aussi, aucune base légale, pas même le décret fixant le «montant des indemnités des membres du Grand Conseil pour la législature 2017-2022», n’a pu solutionner «le manque à gagner» des six sessions journalières annulées.

Or, certain·e·s député·e·s se sont retrouvé·e·s dans des situations financières délicates.

Soucieux de cette situation, le bureau du Grand Conseil a proposé un projet de décret pour indemniser les séances annulées en raison de la pandémie. Cependant, ce projet a été refusé par la commission des finances, par 7 voix contre 6. La raison? Solidarité avec les branches professionnelles en difficulté. Dès lors, le bureau a préféré retirer sa proposition, plutôt que de lancer un débat bien délicat au Grand Conseil, sans réelle perspective de succès.

Des parlementaires engagé·e·s

«La meilleure façon d’aider, c’est de se mettre en retrait», telle a été la recommandation du Conseil d’Etat vaudois en début de crise. Pour organiser les flux de questions et de recommandations des parlementaires resté·e·s actifs et actives malgré cette devise, une chaîne de transmission d’information a pu être organisée. Toute information utile, toute question importante ont pu être communiquées aux chef·fe·s de groupe, puis à la 1ère vice-présidente du Grand Conseil et enfin au Conseil d’Etat. Cela a permis de faire remonter les problématiques rencontrées sur le terrain, dans certaines régions, dans certaines branches professionnelles. Le Conseil d’Etat s’est prêté au jeu, en répondant parfois même dans l’immédiat, en se mettant à disposition du bureau élargi (bureau + chef·fe·s de groupes) lors de visio-conférences, en prenant des mesures concrètes.

Les commissions de surveillance (gestion et finances) ainsi que la commission thématique de santé publique ont été mandatées pour établir un rapport commun et suivre, surveiller, voire critiquer, les décisions du Conseil d’Etat, durant cette période extraordinaire.

Le bureau du Grand Conseil a, quant à lui, réorganisé le travail parlementaire à l’aune des nouvelles normes sanitaires, pour que celui-ci puisse reprendre son cours le plus rapidement possible. Il a, en particulier, défini les outils adéquats pour les visio-conférences, en y transférant les commissions parlementaires, trouvé une salle à Yverdon, organisé le fonctionnement technique de celle-ci. Le bureau s’est réuni en visio-conférence chaque semaine, a reçu des expert·e·s pour prendre les meilleures décisions, a demandé des avis de droit pour interpréter un cadre légal mouvant, a diffusé de l’information auprès des chef·fe·s de groupes. Il a permis de faire le lien entre l’exécutif et le législatif.

Les député·e·s n’ont pas réellement eu de répit durant cette crise. Ils et elles ont dû rester en tout temps informé·e·s, ont dû vulgariser autour d’eux/elles les décisions parfois contradictoires prises sur la durée de l’état de nécessité, ont dû s’adapter comme tout un chacun·e à de nouvelles habitudes et de nouveaux outils de travail. En reprenant les séances à la Marive, les député·e·s ont eu à avaliser a posteriori les nombreux décrets du Conseil d’Etat, tout en y apportant un regard critique.

Quid des droits politiques?

L’image des député·e·s vous paraît bien docile ? Vous êtes peut-être de l’avis du journaliste de Bon pour la tête, Jacques Pilet, qui dépeignait dans un article du 20 mai, une situation totalitariste, durant laquelle le gouvernement fédéral avait pris le pouvoir de façon absolue sur le pays, défiant les principes les plus raisonnables de la démocratie – dont les pouvoirs doivent se répartir entre le gouvernement, le Parlement et l’ordre judiciaire.

Il n’avait certes pas tout tort. Toutefois, le contexte de confiance dans lequel ce pouvoir a été transféré, la nature des décisions allant dans l’intérêt général, il semble que l’on puisse raisonnablement nuancer son analyse. Au niveau cantonal, bien que les droits des parlementaires aient été durement limités durant cette période et qu’ils et elles n’aient pas souhaité reconnaître leur propre travail d’un point de vue financier, tant les député·e·s que les groupes d’intérêts ont trouvé une oreille attentive auprès du gouvernement et ont malgré tout pu faire pression pour apporter les appuis là où il y en avait besoin.

Et si ce n’est pas totalement le cas, les parlementaires peuvent désormais à nouveau siéger! Osons espérer qu’ils et elles le pourront aussi à la rentrée d’août 2020. Et c’est dans cette continuité bien différente que d’habitude qu’ils et elles pourront toutefois orienter les actions politiques et défendre ce qui nous tient à cœur dans ce monde d’après, concernant les aspects écologiques, sociaux et d’économique locale.

Séverine Evéquoz