Le 19 septembre dernier,
j’ai eu le plaisir de présenter en compagnie de Mme Sylvie Bula, Cheffe
du Service pénitentiaire, un projet pilote de justice restaurative dans
le canton de Vaud.

Avant de vous détailler
ce projet, un petit retour en arrière s’impose. Tout d’abord, en 2016,
le Conseil d’Etat a présenté son rapport sur la politique pénitentiaire
qui a notamment été plébiscité par le Grand
Conseil. Ce document fondateur et unique à l’échelle d’un canton romand
a permis de clarifier les grandes orientations et chantiers à
entreprendre, dans un contexte tendu de surpopulation carcérale. Si la
question de nouvelles infrastructures, modernes et
modulables, permettant une prise en charge optimale des personnes
détenues, était au cœur de cette politique pénitentiaire, il en va de
même pour tout l’accompagnement socio-éducatif, sanitaire et
thérapeutique. La prison doit être un lieu de prise de conscience
de l’acte commis, un lieu où les personnes détenues purgent leur peine,
mais préparent également le retour à la vie « normale », avec un nouvel
élan et surtout la ferme volonté de ne pas récidiver.

Le rapport sur la
politique pénitentiaire insistait par exemple sur le fait que « le
travail sur le délit et la réparation viennent compléter le travail
effectué en détention ». Ce travail sur la réparation est
un des objectifs fondamentaux de la justice restaurative, parfois aussi
appelée justice réparatrice.

Quand on parle de justice restaurative, de quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’une approche
complémentaire à la justice dite rétributive. Cette forme de justice
cherche surtout à mettre l’accent sur le dommage causé plutôt que sur la
seule violation des lois en vigueur. Dans
cette approche, la victime occupe une place plus importante. En effet,
le système pénal actuel se concentre surtout sur l’auteur d’un délit,
son jugement, son exécution de la peine, et son retour à la vie
post-carcérale. La victime, elle, n’a pas nécessairement
la possibilité de faire entendre sa voix, la souffrance qu’elle a
endurée, ni de témoigner de son cheminement de réparation après le délit
dont elle a été la cible directe ou indirecte. Une fois l’auteur d’un
délit dans le système pénal, la victime est – d’un
point de vue judiciaire – laissée à elle-même.

La justice restaurative
existe sous de nombreuses formes différentes. Elle peut être réalisée
sous la forme de médiation carcérale, c’est-à-dire une rencontre directe
entre l’auteur du délit et « sa » victime.
Ceci, bien entendu avec l’accord volontaire des deux protagonistes, et
sans que la participation de l’auteur n’ait un quelconque impact sur son
plan d’exécution de sa sanction. Cela doit donc traduire une volonté
authentique de comprendre ce que ses actes
ont pu générer comme conséquences. A cette médiation carcérale, il
existe également une autre forme d’action qui consiste à instaurer des
dialogues restauratifs. Cette approche, elle, se fait en groupe, avec
des auteurs de délits et des victimes, mais de manière
indirecte. Autrement dit, les victimes seront amenées à faire face à
des auteurs d’un même type de délit (brigandage, agressions, etc.), mais
pas directement le leur.

Ces deux formes de
justice réparatrice sont pratiquées depuis de nombreuses années dans de
nombreux pays, en particulier le Québec ou la Belgique. Au-delà d’une
réduction de la récidive souvent observée, cette
philosophie de justice apporte souvent un complément bienvenu aux
dispositifs de prise en charge, notamment thérapeutiques, qui existent
au sein des établissements pénitentiaires.

Cette approche, elle a
fait l’objet d’une recommandation tant de l’Union européenne aux Etats
membres que du Conseil de l’Europe. La recommandation de ce dernier est
d’ailleurs très complète et je vous invite
à en prendre connaissance :
https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016808e35f4

En Suisse, en réponse au
récent postulat de Lisa Mazzone, le Conseil fédéral a confirmé que la
justice restaurative était compatible avec la législation en vigueur,
bien que l’on puisse regretter qu’il n’ait pas
proposé d’en faire une disposition topique, ce qui aurait pu en
encourager le recours.

Mais revenons au canton
de Vaud, qu’en est-il donc ? Dans l’une des 4 recommandations des
dernières Assises de la chaîne pénale de décembre 2018, il était fait
état de la nécessité de mettre en place un projet
pilote en la matière. Les Verts vaudois, nous en avions également fait
un objectif de notre programme de législature 2017-2021.

C’est en répondant à
l’interpellation du député socialiste Jean Tschopp, déposée en début
d’année, que nous avons pu préciser les contours de ce projet pilote
vaudois.

Pour ce projet pilote,
nous allons mettre en place un dialogue restauratif à l’Etablissement
pour mineurs de Palézieux, mais avec la population de jeunes majeurs qui
y réside également. La décision de mener ce
projet dans cet établissement vient d’une part de la volonté de sortir
au plus vite des jeunes gens de toute dynamique délictuelle et d’autre
part des spécificités propres à l’établissement (contexte plus stable,
taille de la structure, etc.). Ces dialogues
restauratifs se dérouleront ainsi sur 8 séances, en partenariat avec le
Forum Suisse pour la Justice restaurative, entre novembre et décembre
de cette année. Le Forum mène d’ores et déjà ce type d’expérience, en
particulier à la prison de Lenzbourg en Argovie.
Un bilan sera effectué en début d’année prochaine pour évaluer de la
suite à donner.

Ce projet, premier du genre en Suisse romande, pourra également inspirer d’autres établissements et d’autres cantons, à mettre en place des expériences de justice restaurative. La durabilité, c’est aussi cela, la prise en compte de l’humain dans un système parfois un peu froid et sans état d’âme.

Je suis très heureuse que nous puissions ainsi souligner les efforts constants entrepris par le Département et le Service pénitentiaire pour assurer une bonne prise en charge des personnes détenues dans un contexte de surpopulation carcérale et de manque d’effectifs chroniques connus. Une patte verte de plus !

Béatrice Métraux