Après des mois de travail au sein
de mon département et des dizaines d’intervention parlementaires,
j’ai eu le plaisir de pouvoir lancer, vendredi 28 juin dernier, une
large consultation sur un projet de révision totale de la loi sur
l’exercice des droits politiques, la LEDP. Cette loi est le mode
d’emploi de notre système démocratique ; elle est donc pour
le moins cruciale à nos institutions politiques.

Sa mouture actuelle a trente ans.
Elle n’a pas été revue totalement après la Constitution de 2003,
mais a fait l’objet de nombreuses révisions partielles ce qui rend
sa structure quelque peu altérée. Il était temps de la moderniser
et d’y prévoir quelques modifications assez novatrices.

Cette révision s’est toutefois
fixée comme principe premier qu’elle n’impliquerait pas de
modification(s) constitutionnelle(s). Il convenait en effet de
procéder tout d’abord à une révision institutionnelle et
législative. Cela étant les champs politiques touchés sont déjà
forts nombreux et en voici quelques points clefs dans le désordre:

La transparence dans le
financement de la vie politique

Le Groupe d’États contre la
corruption (GRECO) a critiqué à plusieurs reprises le fait que
notre pays n’ait encore créé aucune base légale visant à
assurer la transparence du financement des partis politiques. C’est
une exception dans le contexte européen. Une telle transparence est
pourtant importante tant d’un point de vue de l’information de
l’électeur que pour lutter contre les risques de corruption et de
trafic d’influence. S’appuyant sur la motion de Vassilis
Venizelos, le projet de loi prévoit une publicité à la fois des
comptes annuels des partis politiques et des comptes de campagne des
comités ad-hoc ou des organisations prenant part de manière
significative dans un scrutin, ainsi que la publicité de tous les
dons, dès le premier franc pour les personnes morales et dès
5’000.- pour les personnes physiques.

Ce dispositif soumis à consultation
s’appliquera au niveau cantonal, mais également pour les communes
de plus de 10’000 habitants. Le canton de Vaud rejoindrait ainsi
d’autres cantons qui se sont d’ores et déjà dotés d’un
mécanisme de transparence du financement, en particulier Genève,
Neuchâtel, Schwytz et le Tessin. La population fribourgeoise a
récemment adopté une disposition constitutionnelle sur ce point via
une initiative, et le canton du Valais vient d’accepter une motion
allant également dans ce sens. Le débat est par ailleurs vif sur ce
point au niveau fédéral.

Meilleure prise en considération
du vote blanc

La prise en compte du vote blanc
comme une expression valable de l’avis de citoyens devrait être
renforcée, ce que prévoit le projet de loi. Tout d’abord, les
bulletins blancs seront désormais considérés comme des bulletins
valablement exprimés, bien que n’entrant pas en compte pour
l’établissement des résultats. De plus, lors d’élections selon
le système majoritaire à deux tours (Municipalité, Conseil d’Etat,
Conseil des Etats), les bulletins blancs seront pris en compte pour
le calcul de la majorité absolue au premier tour, mais également
pour la majorité relative au second tour.

Protection accrue des données personnelles des électeurs et électrices

Bien qu’il soit difficile d’agir
pour réglementer le Big Data, nous nous de devons renforcer
la protection des données personnelles des électeurs. Cela passe
par au moins quatre mesures distinctes :

  1. L’encadrement du droit de
    consulter le registre des électeurs ;
  2. L’obligation pour le comité
    d’initiative ou de référendum de prendre toutes les mesures
    propres à assurer la confidentialité des données personnelles
    obtenues dans le cadre d’une récolte de signatures ;
  3. Obligation pour le comité
    d’initiative ou de référendum de remettre l’ensemble des
    listes des signatures, quelle que soit l’issue de la procédure ;
  4. L’interdiction de
    constituer une base de données à l’aide des informations
    obtenues dans le cadre d’une récolte de signatures.

Clarification des principes de la
communication du Conseil d’Etat et des Municipalités lors des
campagnes de votation

La manière dont une autorité peut
faire campagne sur des initiatives ou des référendums afin de
défendre son point de vue ou son projet est sujette à une
jurisprudence plutôt restrictive. Le Conseil d’Etat ou une
Municipalité se doit de garder une certaine distance avec les objets
soumis au scrutin populaire, afin de ne pas utiliser des moyens
publics par trop importants pour faire valoir son point de vue.
Toutefois, une clarification de la marge de manœuvre possible dans
la loi est souhaitable et il est donc proposé de reprendre en
substance la solution fédérale. Les interventions du Conseil d’Etat
et des municipalités sont donc licites sur le principe. Elles
doivent néanmoins respecter impérativement trois principes que sont
l’objectivité, la transparence et la proportionnalité. Par
ailleurs avec ce projet de loi, le Conseil d’Etat pourrait prendre
position lors d’une votation fédérale ou communale si les
intérêts du canton sont particulièrement touchés par l’objet du
scrutin en question.

Lutte contre le tourisme
électoral

Le projet de révision prévoit
d’interdire le « parachutage » de candidats au Grand
Conseil en dehors de leur lieu de domicile. Aujourd’hui, il est en
effet possible à n’importe quel citoyen éligible au Grand Conseil
de se présenter dans un autre arrondissement que celui où il vit
(ou travaille). Cette situation n’est plus souhaitable selon le
Grand Conseil qui avait adopté une motion du député Eric Sonnay.

Retrait conditionnelle des
initiatives populaires en présence d’un contre-projet

Lors des récents débats au Grand
Conseil sur l’initiative des Verts sur l’interdiction d’exploiter
des hydrocarbures dans le canton, le plénum a été confronté à un
problème institutionnel. En effet, le comité d’initiative se
déclarait satisfait par le contre-projet et prêt à retirer son
texte pour autant que le contre-projet ne fasse pas l’objet d’une
décision d’annulation par un tribunal ou d’un refus populaire
par un référendum. Cela étant, ce retrait conditionné n’étant
pas possible avec la LEDP en vigueur, il a fallu suspendre les
travaux sur le décret de convocation des électeurs pour
l’initiative en question. Cette situation quelque peu ubuesque
n’aura plus lieu d’être avec les dispositions prévues dans ce
projet de révision, qui reprennent en substance la solution
fédérale. A noter que cette proposition fait suite à une motion de
Raphaël Mahaim.

Registre des partis politiques

A chaque moment de dépôt des
listes pour des élections cantonales, il faut faire la course aux
parrains. Cette pratique s’explique par une volonté d’éviter
les candidatures sauvages de citoyen ne bénéficiant d’aucune
forme de soutien. Cela étant, les partis constitués, disposant d’au
moins un membre au Grand Conseil, pourraient bénéficier d’un
certain allégement de la procédure en ne devant plus déposer
pareille liste. Ce système existe déjà au niveau fédéral. Etre
reconnu au registre permet également, si telle est la volonté du
parti, de déposer une initiative ou un référendum sans avoir à
constituer un comité ad-hoc.

Lancement d’un référendum
intercommunal

Les dispositions actuellement en
vigueur rendent très difficile le lancement d’un référendum
intercommunal. Or, de plus en plus de décisions communales sont
déléguées à des associations intercommunales et il apparaît
nécessaire de s’assurer d’un accès aux outils de notre
démocratie semi-directe. Aujourd’hui, pour obtenir un scrutin
populaire contestant des décisions d’une association
intercommunale, un comité référendaire doit réussir à réunir
les signatures de 20 % du corps électoral en 20 jours (et pour les
périmètres qui compteraient plus de 50’000 habitants, un minimum de
10’000 signatures). C’est pratiquement mission impossible, car cela
représente le double de signatures par jour que ce qui prévaut au
niveau communal. Le projet de loi en consultation propose dès lors
de reprendre les conditions existantes au niveau communal (15 % du
corps électoral en 30 jours – 10 % si plus de 50’000 habitants).

Réforme des conseils généraux

Bien que relevant de la loi sur les
communes, qui fera elle-même l’objet d’une révision totale, ce
projet de révision de la LEDP empoigne la problématique des
Conseils généraux. Si la question d’un éventuel abaissement du
seuil de basculement d’un Conseil général à un Conseil communal
est posée dans le cadre de la consultation, plusieurs autres
modifications sont proposées dans ce cadre :

  1. Afin d’éviter que des
    citoyens se fassent assermenter le soir même d’un Conseil général
    dans le seul but de faire une « menée » contre un objet
    contesté, il est proposé d’instaurer un délai d’annonce de
    douze semaines avant dite-séance alors que l’ordre du jour ne
    soit décidé par le bureau du Conseil. Il est souvent constaté que
    ces citoyens-là ne remettent plus les pieds au Conseil général
    pour le reste de la législature une fois l’objet contesté
    tranché, posant parfois par la suite des problèmes de quorum ;
  2. Afin de réduire les
    problèmes de quorum cités ci-dessus, il est prévu d’introduire
    une procédure d’exclusion d’un membre d’un Conseil général
    ayant manqué deux séances consécutives du conseil sans juste
    motif ;
  3. Par ailleurs, au vue de la
    généralisation du vote par correspondance, il est proposé de
    supprimer le régime spécial des élections dans les communes
    dotées d’un conseil général. Ainsi, le mode de scrutin sera
    identique que pour les conseils communaux, à savoir que le 2e
    tour des élections de la municipalité, ainsi que les 1er
    et 2e tours des élections du syndic auront lieu des
    jours distincts.

Voici les principales modifications
proposées par ce projet en consultation jusqu’au 30 septembre
2019. Je vous invite à en prendre connaissance et à nous faire part
de vos remarques et propositions. J’espère que le Grand Conseil
pourra rapidement se saisir du dossier et qu’il sera possible
d’adopter cette révision totale de la loi pour l’organisation
des prochaines élections cantonales de 2022.

Pour plus d’information sur le projet de loi : https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/accueil/fichiers_pdf/2019_juin_actus/Avant-projet_de_loi_sur_l%E2%80%99exercice_des_droits_politiques__LEDP_.pdf

Et son rapport explicatif :
https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/accueil/fichiers_pdf/2019_juin_actus/Rapport_explicatif_LEDP.pdf

Béatrice Métraux